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Pratiques sportives, logiques sociales et enjeux territoriaux Le 10e congrès international de la Société de sociologie du sport en langue française (3SLF), s’inscrit dans une perspective scientifique volontairement marquée par une forte proximité avec la singularité des travaux de recherche conduits sur le thème du sport depuis trois décennies au sein des universités de Bordeaux et de la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine (MSHA). Plus de vingt ans après le colloque Sport, relations sociales et action collective et les Journées de la Société Française de Sociologie du Sport « Sport et changement social », qui avaient vu notamment dialoguer sociologie et géographie, c’est donc aux ancrages territoriaux des pratiques sportives et aux divers enjeux qui en découlent que seront de nouveau consacrés les échanges scientifiques. Il s’agira à la fois de tenir compte des dernières connaissances produites dans ce domaine et d’ouvrir de nouvelles pistes d’étude et d’analyse dans un contexte où la mondialisation des pratiques et des institutions tend à reconfigurer en profondeur tant les activités physiques et sportives que les espaces où elles sont créées, pratiquées et organisées. Les différentes approches sociologiques mobilisées pour comprendre les logiques individuelles ou collectives – socialement déterminées ou activement déterminantes – qui façonnent l’univers des sports s’enrichissent des acquis d’une géographie sociale, d’une ethnologie des pratiques, d’une économie politique ou encore d’une histoire culturelle et d’une lecture géopolitique. Dans une perspective pluridisciplinaire, qui ne dissout pas pour autant les disciplines, on admettra que les activités et les déterminations sociales ne sont pas exemptes de logiques spatiales, temporelles, économiques et anthropologiques. Les formes d’attachement aux pratiques sportives sont multiples mais se réfèrent notamment à la figure du territoire. En précisant la localisation, les dimensions et les propriétés de chaque territoire, la géographie dans les sciences sociales permet l’étude du rapport des sociétés à leur environnement. Le territoire est ainsi une réalité construite, reconstruite et parfois déconstruite en fonction de conjonctures historiques. Il reçoit son sens des processus sociaux qui s’expriment à travers lui. On peut alors considérer que le sport, comme d’autres pratiques, participe à un processus de territorialisation et que les éléments le concernant jouent un rôle médiateur convertissant l’espace en territoire. Ces approches ne doivent pas se limiter à la présentation spatiale des faits sociaux, mais tendre à l’étude sociale, politique et culturelle des faits spatiaux. Cette préoccupation scientifique permet d’explorer les manières dont les hommes se représentent, conçoivent et produisent les rapports à l’espace et le besoin de sens, d’action, de mouvement ou de racines qu’affirment les sociétés soumises au doute et à l’incertitude. Les historiens se sont d’ailleurs emparés du concept de frontière, qui concerne tout autant les sociologues que les géographes car il n’est pas de frontière qui ne soit d’abord sociale et culturelle. Ces approches plurielles apparaissent utiles pour éclairer les logiques d’une territorialisation « tous azimuts » : mondiale et globalisée d’un côté, portée par des organisations sportives devenues des acteurs géopolitiques majeurs, capables d’interagir avec les gouvernements politiques des États ou des métropoles et de rassembler plus de pays que les Nations-Unies. Empruntant un mouvement contraire d’un autre côté : face au processus de globalisation culturelle d’une planète sportive, de nouvelles aspirations favorisent le retour de cultures physiques prémodernes pour ne pas dire de jeux traditionnels ou de formes régionales identitaires du sport. La volonté profonde de sauvegarder ou de retrouver un lien au patrimoine matériel ou immatériel d’un passé déterminé sont en outre des révélateurs d’un certain nombre de communautés dans un contexte postcolonial complexe. Les particularités des formes de rapport au corps en témoignent. Dans tous les cas, des types de médiations territoriales qui conditionnent le rapport à soi, aux autres et à l’espace sont en jeu et de multiples recherches témoignent de ce mouvement dans le domaine des cultures et des organisations sportives. À côté de compétitions où s’affrontent les nations, les pratiques sportives participent aussi à l’affirmation de soi en offrant à chacun la possibilité de pratiques diversifiées qui, au-delà des équipements spécialisés, utilisent les espaces du monde comme terrain de jeu. Le sport s’organise au quotidien à travers ses pratiques de loisirs, ses petits clubs et ses regroupements parfois informels. En zone naturelle ou urbaine, les variables sociales et spatiales se dévoilent autour des activités sportives. À travers la « glisse urbaine » et toutes sortes d’activités « nouvelles », les pratiques sportives (ré)inventent la ville. En mer ou en montagne, la « nature » n’est plus un décor. Elle devient partenaire et support d’activités multiples en utilisant des lieux de proximité, de profondeur ou de haute-altitude. Il s’agira aussi d’interroger les questions liées à l’aménagement du territoire, en relation avec les problématiques de développement durable (éco-sport, sport et recyclage, sport et protection de l’environnement) ou celles des équipements pour le « sport-santé » (aménagements visant à favoriser et/ou inciter la population à une activité sportive, piétonisation des espaces urbains et pistes cyclables en faveur d’une redéfinition des mobilités). En dépassant le seul cadre sportif, ces questions permettent de souligner les enjeux politiques, sociaux, environnementaux de l’action publique en faveur des pratiques corporelles. Et d’autant mieux que dans une société marquée par la privatisation des espaces publics et par le recul de l’État au sein du mouvement sportif associatif, les acteurs marchands d’une gestion de l’espace sportif sont au centre d’une nouvelle manière d’organiser et de gouverner le sport et les sports. Dès lors, ce 10e congrès anniversaire de la 3SLF à Bordeaux souhaite en tout premier lieu établir un état actualisé des recherches et organiser une confrontation des points de vue sociologiques, géographiques, sociopolitiques, sociohistoriques, sur le thème des enjeux territoriaux des activités sportives entendues au sens large. Des communications abordant les relations entre pratiques sociales et territoires à partir d’enquêtes empiriques portant sur des objets sans rapport avec le sport pourront éventuellement être accueillies dès lors qu’elles seront susceptibles d’ouvrir de nouvelles pistes d’interrogations fécondes pour penser et traiter l’objet « sport ». |